Paru dans l'Avenir de Bougie 2005
Signé G. Faucheux

LES CHALUTIERS


Ils s’appelaient : Sainte Angéle-Isabelle, Maria, Aline-Marie, Phocéen, Saint Jean, je crois que je n’en ai pas oublié.
Ils, ce sont les chalutiers qui avaient Bougie pour port d’attache. En se promenant sur les quais, depuis les nouveaux hangars et bureaux Duchemin (les anciens, en bois, qui étaient au-dessous de la banque d’Algérie) jusqu’à ceux de la compagnie Leborgne, on pouvait les voir dans l’ordre cité plus haut.
Oh ! ce n’était pas les chalutiers de l’Atlantique partant 15 jours en mer ; ce n’était pas non plus les chalutiers actuels de Sète. De taille beaucoup plus modeste, car du plus petit au plus grand la longueur allait de 15 mètres environ à 25 mètres et la largeur de 3 à 5 mètres. Et puis l’âge était là avec leur chaudière à vapeur alimentée au charbon. Le sainte Angèle-Isabelle et le saint-Jean étaient déjà là en 1940 ; les autres sont arrivés plus tard, le Maria au printemps 1944, l’Aline-Marie faisait une entrée fort remarquée le 1er novembre 1948. Quant au Phocéen, ma mémoire un peu défaillante, situe son arrivée en 1950.Ces chalutiers étaient armés pour un équipage de 8 à 10 hommes qui, à la fin de chaque cale, c’est-à-dire toutes les 3 ou 4 heures, s’activaient à trier et ranger dans les casiers en bois alignés impeccablement, chaque espèce de poissons : rougets, merlans, pageots, soles, limandes etc. En général ces bateaux, lorsqu’ils péchaient dans le golfe de Bougie, quittaient le port vers 2 heures du matin pour revenir en début de soirée. Ils allaient aussi, au-delà de Djidjelli et pendant une semaine, c’est ce petit port qui les accueillait. Les camions des différents armateurs, en tout début d’après-midi, quittaient Bougie avec charbon, glace, filets, casiers vides pour revenir entre 21 heures et 22 heures avec la pêche de la journée.

Photo fournie par G. Faucheux

Avec le temps, la chauffe au charbon était devenue de plus en plus onéreuse ; un jour, le saint Jean, le plus grand de tous, partit pour Sfax en Tunisie où des charpentiers de marine, réputés pour leur savoir-faire en la matière, consolidèrent membrures et autres parties du bateau qui reçut un moteur diesel. Cela dura une bonne année et le Saint-Jean s’en revint à son port d’attache tout fringuant avec son nouveau mode de propulsion. Le sainte Angéle-Isabelle et le Maria trop vieux et moins robustes, ne purent subir cette transformation. L’Aline-Marie construit en 1946 était équipé d’origine d’un moteur Baudouin.
Que sont devenus ces chalutiers ? je sais que vers 1953, le sainte Angèle-Isabelle et le MAria restèrent à quai le charbon devenant trop cher.
L'Aline-Marie, un jour de pêche, a coulé entre les caps Carbon et Sigli, une bielle ayant traversé la coque. Quant aux deux autres, le saint Jean et le Phocéen, je ne sais ce qu’ils sont devenus. J’espère pour eux et leurs équipages qu’ils n’auront pas eu une fin aussi douloureuse et dramatique que leur confrère.
Peut-être que d'anciens marins de ces chalutiers pourront prendre la suite de ce témoignage et confirmer ou infirmer ce que je viens de dire, pourquoi pas ! Peut-être Michel Santo qui habitait l’immeuble au pied des escaliers avant que ne se construise la rampe sous la place de Gueydon ? Peut-être aussi Michel Ferrer, aîné d’une famille nombreuse orphelin de père donc soutien de famille ? Il y en a encore certainement d’autres pour raconter tout
cela. 


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